Question (Garçon / 2003)

Ai-je été maltraité durant mon enfance ?

C'est mon père qui s'est occupé de moi et de mes frères et sœur depuis le départ (père au foyer) tandis que ma mère travaillait. Le problème, c'est qu'il n'avait que nous dans la vie et qu'il pouvait du coup devenir envahissant.
Il nous culpabilisait en disant qu'on ne l'aimait plus et que c'était pour les enfants dont les parents ne s'occupaient pas si on voulait partir en camp quand on était petits jusqu'à ce que je dise qu'en fait je n'avais pas envie. J'avais peur si j'allais dormir chez un ami et que ses parents ne pouvaient pas me ramener à l'heure le lendemain car je savais que je me ferais engueuler.
Quand j'avais 4 ans, il m'a dit que si jamais je lui mentais, il m'engueulerait tellement fort que je m'en souviendrais 10 ans après et ce même s'il le découvrait des années plus tard, sachant que ça marchait si j'avais piqué une tomate dans le plat et que je le niais..

À l'école primaire, je me faisais harceler. Je suppliais mes parents de me changer d'école, mais mon père refusait car il trouvait que c'était trop loin et qu'on aurait moins d'argent pour des vacances en famille.
(Par contre il a énormément parlé aux profs tout du long pour essayer de faire cesser ça, mais sans grand succès)

Pemdant mon enfance, aussi, ma mère me proposait souvent de faire des activités avec elle. P.ex. du ski, mais mon père me demandait de refuser en disant que ma mère était imprudente et ne ferait pas attention à moi. Il me racontait des histoires de gens qui étaient morts sur les pistes pour que je fasse attention. Je n'étais pas quelqu'un d'inquiet, mais je le suis devenu très rapidement. Parce qu'il n'était jamais sûr que je ferais attention jusqu'à ce que je sois vraiment stressé.
Maintenant j'ai facilement peur de tout.
À cause de ça, je n'ai non plus jamais pu développer une vraie relazion avec ma mère.

Mon père a commencé à faire extrêmement attention à mon cursus scolaire à partir du secondaire I. Il était tout le temps derrière moi à vérifier que je travaillais. J'avais 10 ans à l'époque. Si j'oubliais un devoir, il considérait automatiquement que je l'avais fait exprès et me disait que j'allais gâcher toutes mes chances pour l'avenir. J'avais une excellente moyenne, à l'époque (~5.6). Pourtant, ce n'était jamais suffisant pour se détendre. Quand je disais que j'avais de la marge, que c'était bon, que je pouvais travailler un peu moins, il me disait que je me reposais sur mes lauriers et que j'allais rater. Pour moi, faire une seule mauvaise note mettait donc en danger toute ma vie et j'étais terrorisé par l'école. Lors de ma 2e année de secondaire I, je me suis fait harceler beaucoup plus violemment.
Mes notes sont descendues, j'étais autour de 5.3 et j'oubliais les 3/4 de mes devoirs.
Je ne parlais plus du harcèlement à cette époque car mon père étant quelqu'un qui paniquait facilement, je ne voulais pas avoir le stress de le calmer en plus de celui que j'avais déjà. D'autant que j'avais constaté que parler était peu utile.
J'ai fini par en parler et ça s'est arrangé, mais les séquelles restaient.
Je passe des détails, je ne me rappelle pas de tout.

Le pire était lors de ma 3e année de secondaire II. J'étais en dépression depuis le harcèlement. Je voulais aller voir un psy mais mon père me disait qu'il allait me faire interner et que ces gens là étaient pas bien, donc je ne suis pas allée. J'avais des pensées suicidaires et ça empirait.
Il était là pour me dire de ne pas me suicider et me rassurer.

Au début du secondaire II, j'ai commencé à pratiquer le hockey et tout le monde était très sympa. Ça me faisait tellement de bien, c'était presque la première fois qie j'avais des relations sociales positives avec des gens de mon âge. C'était devenu la lumière au fond du tunnel, la seule chose qui me maintenait en vie.
Mais en début de 3e année de secondaire II, j'étais très inquiet au sujet de mes notes -sans véritable raison, tout s'était toujours bien passé- et j'en ai parlé à mon père. Je peinais également à me motiver pour travailler, je n'arrivais même plus à écouter en cours. Un jour, je lui ai dit que le test de géo dont je sortais s'était mal passé (mais j'avais déjà un 5.5 dans cette branche) et je l'ai supplié de ne pas m'engueuler car j'étais tellement épuisé (je dormais très mal) que j'avais eu de la peine à ne pas m'endormir tout du long.
Il m'a hurlé dessus que je gâchais ma vie, qu'il aurait jamais cru que je ferais ça alors que j'étais si prometteur. Que je n'étais visiblement pas assez intelligent pour savoir qu'il était stupide de gâcher sa vie comme ça.
J'ai contre attaqué en disant que c'était toujours mieux que tout ce qu'il avait fait dans sa vie (il a jamais fait d'étude) et il m'a insulté.
Ce type de scène s'est reproduit un certain nombre de fois.

Ça plus la dépression, mes notes se sont très sérieusement dégradées. Mon estime de moi même était à 0, mais mon père continuait de me croire arrogant à cause de mes contre attaques qui servaient au final plus à me rassurer moi même.
Mon père m'a plusieurs fois menacé de téléphoner au hockey pour dire que je ne viendrais plus si jamais je ratais l'année.
Ma mère, quant à elle était plutôt absente, elle devait travailler pas mal pour subvenir aux besoins de toute ma famille, d'autant que mon père ne travaillait toujours pas, disant parfois qu'il avait le droit de profiter de la vie.
Tout ce que mon père m'a dit durant cette année là m'a profondément meurtri. J'ai raté l'année en question.
Mais suite à ces problèmes, j'ai de moins en moins écouté mon père. Question de survie.

Par la suite, j'ai réussi mon collège avec brio. Je suis ensuite parti étudier l'ingénierie civile à l'ETH. Tout ce temps passé loin de mon père m'a fait le plus grand bien. Mais au début, il m'envoyait très souvent des messages me disant que je devrais rentrer plus souvent, que j'oubliais ma famille et que je le regretterais quand il serait mort. Il a arrêté quand j'ai menacé de ne plus rentrer si ça se continuait. Depuis nos relation se sont détendues.

Mais j'ai commencé à réfléchir au passé en pensant mes nombreuses blessures. J'ai voulu en parler avec mon père, mais il a nié en bloc tous mes souvenirs. C'était déjà arrivé par le passé (enfance, adolescence) au point de me faire croire que j'étais peut être fou, je doutais en permanence de moi même, c'était insupportable.
Seulement cette fois, j'ai pensé à demander à mon frère ce sont il se souvenait. Il a confirmé tous mes souvenirs.
Alors maintenant, je me demande ce que je dois en penser.
Parce que malgré tout ça, c'est aussi quelqu'un qui a essayé de me soutenir et a souvent été là.
Mais c'était aussi quelqu'un dont j'avais vraiment peur sans me l'avouer.

En tout cas le fait qu'il nie tout ça en bloc me tue (mon frère refuse de lui en parler et ne veut pas s'en mêler). Pour lui rien de tout ça n'est jamais arrivé ou alors il faut remettre dans le contexte et c'était pour moi, ça dépend des preuves que j'arrive à apporter.

Que dois-je penser, je suis perdu ?

Réponse

Vous nous expliquez avec beaucoup de précision des épisodes difficiles de votre vie et de votre relation avec votre père. Vous semblez également avoir la capacité de voir comment ces événements vous ont influencé sur le moment, mais aussi aujourd'hui.

Vous nous dites être perdu, car votre père ne reconnaît pas les actes qu'il a eus envers vous ou votre souffrance. Votre frère a cependant des souvenirs similaires aux vôtres. Nous comprenons que le fait que votre père nie le passé est difficile pour vous. Il nous semble, à travers votre message, que vous auriez besoin qu'une personne vous dise ce qu'il pense de ce que vous avez vécu, et s'il s'agit de maltraitance ou non.

Il nous est difficile de prendre ce rôle à travers ce message, car cela demanderait d'explorer ce que vous avez vécu et quel impact cela a eu sur vous, et cela est difficile à travers un message. La violence psychologique est difficile à identifier, et la limite floue. Cependant, il nous apparait clair que certains comportements ou paroles de votre père vous ont fait souffrir. Vous décrivez par exemple que cela a influencé votre perception de vous-même, que cela a créé des peurs chez vous, a influencé votre relation avec votre mère. Que lorsque vous étiez en dépression, cela vous a empêché de recevoir les soins dont vous aviez besoin et vous a mis en danger.

Tous ces éléments sont des signes que vous n'avez par moments par reçu ce dont vous aviez besoin de votre père et que vous avez souffert. Si vous souhaitez explorer les questions de la violence, nous vous mettons en ligne quelques articles qui la définisse et vous permettrons de voir si vous vous reconnaissez là-dedans. Vos sentiments (passés ou présents) sont également une précieuse boussole pour comprendre si vous vous êtes sentis maltraité.

Cependant, nous voyons que ces questions vous préoccupent et nous vous encourageons à consulter un·e psychologue à qui vous pourrez vous confier sur ce que vous avez vécu, le comprendre et comprendre ce que vous avez besoin aujourd'hui. Être accompagné dans ce type de questionnements est essentiel pour avancer. Qu'en pensez-vous ?

Comme vous le dîtes dans votre message, vous appréciez aussi certains moments passés avec votre père ou des facettes de sa personnalité. Cela n'est pas incompatible, il peut y avoir de la peur et de l'amour. Il peut être déroutant de ressentir des sentiments contradictoires, mais chacun ont leur place et représente une partie de votre expérience avec votre père.

Nous restons à votre écoute,


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Dernière modification le 31 juillet 2023

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