Question (2010)

Bonjour bonsoir,
J’ai longtemps hésité à vous écrire… parce que j’ai peur de me répéter et de pleurnicher encore pour les mêmes problèmes. Mais bon… ça me fait du bien de vous écrire. Merci pour tout ce que vous faites…
Vous m’avez répondu et vous m’avez donné beaucoup de conseils… mais voyez vous, je suis lâche. Je suis faible. Je n’arrive pas à changer, je n’arrive pas à m’y mettre, à avancer… Je me suis fixée pleins d’objectifs (lire plus, travailler plus, faire plus de sorties avec mes ami.e.s, se détacher des écrans, etc…) pour la nouvelle année scolaire, mais en ce moment, je doute de plus en plus de mes capacités (c’était déjà le cas depuis bien longtemps mais ça empire) j’ai peur… très peur.
Je me suis rendue compte de beaucoup de choses, par rapport à mon enfance, à mes parents, à moi même tout simplement, enfin, « tout simplement », façon de parler.
Il y a déjà un an, j’ai ouvert les yeux sur plusieurs choses. Mes parents sont psys et avec ma mère, récemment, on a eu une discussion sur « l’après-coup » de Freud… Et ça m’a fait pensé à beaucoup de choses : avant, je voyais la petite trousse de ma sœur avec un cutter et des ciseaux sans me poser de questions, maintenant, je comprends ce qu’elle faisait avec. Avant, j’assistais toujours au baiser matinal de mes parents avec le « bonne journée chéri », je ne voyais jamais mon père faire de cadeaux à ma mère, il était toujours, mais quand je dis toujours, c’est toujours au boulot, et maintenant, je sais que ma mère était malheureuse. Et mon père aussi… (ils ont divorcés aujourd’hui)
Avant, je pleurais devant mes devoirs quand je pensais que ma mère était insatisfaite de ce que je faisais, mais je pensais et je pense toujours que c’est moi, le problème, maintenant, je sais qu’elle était et qu’elle est toujours exigeante.
Je comprends et à la fois je ne comprends pas qui je suis. Je peux vous énumérez tous mes défauts et mes problèmes, et je peux vous dire comment y remédier, mais jamais je n’y arriverai vraiment.
Parfois je me dis que je veux juste être malheureuse pour attirer l’attention. Et ça m’énerve parce que parfois, je fais allusions à mes gros problèmes de stress et de nervosité à mes parents (il n’y a pas que ça, loin de là, mais sinon ça fait trop pour eux à mon avis)… mais ils ont pas l’air de comprendre. Je ne peux pas leur en vouloir, mais parfois, j’ai juste une énorme boule dans la gorge et je veux crier. Tout dire, tout balancer.
Aussi, en ce moment, ça ne m’était jamais arrivé, mais j’ai des pulsions violentes (j’aimerais savoir si c’est de la nervosité ou si je suis juste en train de péter les plombs). Il y a des moments quand je me dispute un peu avec ma demi sœur (fille du compagnon de ma mère), je dois me contenir, serrer les poings, serrer ma gorge pour ne pas tout renverser dans ma chambre, pour ne pas crier comme une enragée. Et puis tout simplement, je me retiens pour ne pas frapper mon beau père. Ça aussi ça me rend dingue parce que je sais que c’est une bonne personne, qui m’aime bien et qui veut que je l’apprécie et qui fait beaucoup de choses pour nous, je sais que je ne suis pas obligée de l’aimer mais que je dois quand même lui montrer du respect, ok… mais je sens que je ne vais pas tenir!!! J’en peux plus ! Je sais que c’est méchant… mais j’ai même un peu honte au fond de moi quand on fait une sortie en famille ! J’ai peur que les gens pensent que c’est mon père !
Au début de l’année, quand ma mère et mon beau père (ils ne sont pas mariés) se disputaient, ma mère restait toujours dans le salon à regarder sur des sites des petits appartements à louer pas cher, elle me disait « Si je ne peux pas avoir de libertés, je ne reste pas ici »… haha… ouais… mais le scénario se répétait en boucle, et au final elle ne l’a jamais fait. Mais maintenant, elle est heureuse, elle a sa vie, et je suis contente pour elle. Enfin, j’ai juste envie… qu’elle sache que j’ai peur… que j’ai peur de la décevoir, que j’ai peur de tout gâcher. Mes parents, avant le divorce, avaient des problèmes d’argent, on était pas riche du tout… et depuis j’ai toujours été énormément stressée par l’argent, ça agace mon père parce qu’aujourd’hui il a de l’argent, mais pas ma mère. Ma mère galère toujours et je stresse toujours… énormément… et bien sûr ! Ma mère, d’un côté me dit « aah tu sais il faut qu’on fasse attention ce mois ci, c’est compliqué on va pas faire de folies », et de l’autre « Chérie, je t’ai ouvert un compte et comme ça je vais économiser chaque mois pour tes études » et quand elle dit « économiser »… elle met… beaucoup d’argent dans ce fichu compte. J’en suis infiniment reconnaissante, mais, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer… et si je n’y arrivais pas? Et si je gâchais tout? Et si… et si… elle perdait tout, à cause de moi? Et à partir de là… ça part en vrille… Je commence à avoir des idées noires… je me déteste… Quand je pense à tous mes moments embarrassants, à toutes mes hontes et mes gaffes, c’est comme un coup de couteau dans mon ventre…
Je deviens blasée et je commence à être plus jalouse que heureuse pour les autres (alors que ce n’est pas du tout mon tempérament initialement), je suis impulsive, je commence à être un peu plus insolente, je me dispute avec ma mère…
Je sais, je sais que c’est ça l’adolescence. Mais je veux pas vivre ça jusqu’à mes 25 ans ! Quand mon petit cerveau à la noix qui me pourrit la vie avec sa petite voix toxique aura fini de grandir !!!
Moi, tout ce que je demande, c’est être fine, souple, jolie, gentille, drôle, douée, confiante, je veux que mes parents soient fiers. Je veux… être douée, dans la danse, dans le théâtre, dans la musique, je veux vivre ! Je veux voyager ! Je veux profiter de cette vie dans ce monde de merde !!! Je veux lutter ! Je veux me battre pour la cause LGBTQIA+, je veux lutter contre le racisme, je veux lutter contre le sexisme, je veux lutter contre la pauvreté, la discrimination, la guerre… je veux, faire quelque chose.
Mais pourquoi j’ai toujours, toujours l’impression que je n’y arriverai jamais ?!?!
Pourquoi je n’arrive jamais à profiter des bons moments ?

Je sais que j’ai changé. Je ne suis plus comme avant, je ne suis plus la petite fille qui sourit tout le temps, qui rigole tout le temps et qui fait le guignol. Nan… je ne suis plus cette fille là et je ne le serai plus jamais. C’est triste… ça me rends triste en tout cas. Quand je revois des photos de moi et de ma soeur quand on était petites… et puis les photos du mariage de mes parents… et bah je pleure… encore… et encore. Je veux retourner chez moi… je veux retourner dans mon ancienne maison… je veux retrouver ma mère et mon père, je ne veux plus de ces « nouvelles familles ». Peut importe que mes parents soient séparés ou quoi, ils étaient malheureux de toute façon, je veux juste retrouver ma vie toute seule avec ma mère et mon quotidien tranquille avec mon père et ma sœur.
Ah et aussi… mon père se marie en septembre… Ce qui me fait rire et ce qui me fait un peu pitié (le mot est un peu fort mais vous voyez ce que je veux dire), c’est qu’avec mon père… tu sais déjà tout. Quand il nous a dit qu’il avant une copine, je le savais déjà, et quand il nous a dit qu’il allait se marier, je le savais déjà…
Mon père en est à son troisième mariage ! C’est fortiche non (ton très ironique) ? De toute façon il n’a jamais été très fort avec les femmes.
Il est fatiguant lui aussi… il est vraiment pas facile à vivre… il écoute rien, il ne s’intéresse pas vraiment à ce que je fais, et il ne fait pas du tout attention à sa santé. Il fume, il boit, il mange… je redoute un cancer ou un truc dans le genre… Je sais qu’il m’aime, moi aussi je l’aime et je sais qu’il n’est pas parfait… mais je demande juste… de la paix. Je veux juste… me reposer.
Pareil pour ma mère, je l’aime de tout mon cœur et je sais qu’elle aime surtout qu’elle me soutient à fond dans mes projets… mais… j’aimerais y aller un peu plus doucement… toutes ces questions d’adultes ça me pèse… c’est important mais quand même… je fatigue.

Et puis… en vérité…on dit que chacun est unique… mais je me dis… qu’est ce que j’ai de spécial ? Plein de personnes on la même culture que moi, le même humour que moi… je ne me démarque des autres que par quoi ? Mes défauts ? Super !
Et encore… mon corps est contre moi. J’ai enchaîné les problèmes de santé et j’ai constamment des petits soucis bénins qui me gâchent la vie et qui m'embarrassent. J’en ai marre. Marre moi, marre du monde, marre de tout. Je sais quoi faire mais je ne sais pas comment le faire.
Suis je donc destinée à me détester jusqu’à la fin de mes jours ? Suis je destinée à être le boulet de service qui gâche tout ? Va savoir…
Merci pour votre lecture… mon message est extrêmement long désolée.

Réponse

En lisant ta question nous devinons une jeune femme pleine de compétences, pleine de qualités, capable d’introspection, sachant mener des réflexions sincères, douée d’expressions subjectives et d’explications objectives.

En écrivant cette question, tu ne pleurniches pas, au contraire, tu exprimes des choses importantes, tu questionnes et demandes de l’aide.

Tu sembles traverser une période de questionnements, de deuils, et de peurs vis-à-vis de ton avenir.

Tout ça et tous les bouleversements émotionnels qui accompagnent ces « réflexions sensibles » font partie de l’adolescence. Toutefois, bien que « naturels », cela ne veut pas dire que cela soit facile à vivre, qu’il ne faille rien faire et attendre que ça passe.

Afin de t’aider à traverser cette période (qui ne durera probablement pas jusqu’à tes 25 ans), nous allons orienter notre réponse sur trois axes.

  • Regard affectueux sur le passé et faire le deuil de l’enfance.
  • Regard bienveillant sur toi-même et renforcement de ton estime de soi.
  • Discussion avec ta maman/tes parents autour de leurs exigences.

L’adolescence est faite d’ouvertures/de nouveautés/d’opportunités et elle est faite aussi de deuils. Certains deuils peuvent être douloureux, c’est vrai.

Tu n’es effectivement plus la petite fille que tu étais, et ta vie familiale n’est plus la même que celle de ton enfance.

Il est toutefois possible de porter un regard positif et affectueux sur ces « pertes ». Avoir été cette petite fille, avoir vécu des moments positifs en famille, t’a permis de développer de nombreuses compétences et qualités précieuses.

Ces changements s’inscrivent dans la continuité de la vie. Même si tu n’es plus la petite fille que tu étais, tu restes toi, toi plus grande, plus mature, toi différente, toi plus intelligente, mais toi quand même.

Ta vie familiale a elle aussi changé, néanmoins elle reste et restera ta famille, la même mais différente.

Vivre en famille recomposée n’est pas toujours simple. Toutefois quand les membres de la famille sont bienveillants les uns avec les autres (ce qui semble être le cas), cela peut offrir aussi de belles opportunités d’apprentissages et de développement.

Tu as le droit d’être en colère en constatant tous ces changements. Cette colère dit certainement des choses importantes et ce qui est très positif c’est que tu sembles savoir l’écouter, et poser de la pensée dessus.

Les changements de l’adolescence sont progressifs, ils se vivent par étape (parfois superposées/simultanées). Certaines étapes/dimensions sont moins agréables que d’autres, notamment quand on voit le positif que l’on laisse derrière sans encore voir celui que l’on va trouver devant.

En te lisant, c’est qui est frappant, c’est que tu sembles constater des échecs de choses qui ne se sont pas encore passés. C’est comme si tu te mettais en échec avant même d’avoir eu l’opportunité de réussir.

Tu écris vouloir être douée, engagée, tu écris vouloir voyager, vouloir faire des choses qui comptent. Tes aspirations sont belles, c’est super d’avoir tous ces buts. Tu as donc en toi tout le carburant/la motivation qu’il te faudra pour mener à bien (certains) de tes objectifs.

Dans la vie, les objectifs s’atteignent progressivement. Et tous ne s’atteignent pas.

Tu ne peux pas atteindre tes buts sans parcourir le chemin nécessaire pour les atteindre. C’est comme un petit enfant qui apprend à marcher, il ne peut pas attendre de lui-même d’avoir la capacité de faire un marathon immédiatement.

Aujourd’hui tu es en chemin et c’est cela qui compte. Et aussi le regard que tu portes sur toi-même. Nous t’invitons donc à modifier ton regard, et à te regarder avec amour et bienveillance. Un regard encore plus doux que celui que tu peux avoir sur les personnes qui comptent. Car tu comptes, beaucoup !

Être unique ne signifie pas ne pas partager des aspirations, des points communs avec d’autres. Tu es unique par ton tempérament, par ta pensée, ta manière d’être, tu es unique pour les personnes qui t’aiment. Tu es unique aussi par des compétences, notamment ta compétence d’expression et d’écriture.

Pour faire taire ta petite voix toxique/saboteuse, nous te mettons en lien des articles sur l’estime de soi. À nouveau, tu vas y arriver progressivement. Nous t’encourageons à te fixer des buts accessibles, cela t’aidera à avancer positivement sur ton chemin de vie et au fur et à mesure d’atteindre d’autres buts et d’autres encore.

Concernant les exigences de ta mère et la pression que tu ressens à réussir absolument, nous t’encourageons à en parler avec elle. Il nous semble effectivement important que tu puisses lui parler de ce que tu ressens, et de ta peur de la décevoir. Il est d’ailleurs possible que ses exigences soient moins exigeantes que l’image que tu en as. Pour t’aider dans cette discussion, tu trouveras en annexe des conseils de communication.

Pour terminer, nous tenons à te faire part de notre soutien et de notre présence, reviens sur ciao autant que tu as en besoin.

Bien à toi !

L’équipe ciao.ch


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Dernière modification le 24 août 2024

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