Je m'éloigne de ma mère, je la vois peu, sauf quand je me sens coupable
31 janvier 2025
Question (Garçon / 2003)
Mais plus j'y repense, plus je réalise que ce qui a probablement le plus affecté mon estime de moi, c'est ma mère..
Elle me disait que je n'avais aucune volonté quand je ne travaillais pas assez (j'ai toujours été dans les meilleurs de la classe quoi qu'il en soit..). Elle se vantait auprès des autres parents d'être une bonne mère, que jamais elle ne nous engueulerait si on faisait des mauvaises notes à condition qu'on ait travaillé. Mais ça valait surtout pour mon frère et ma sœur. Ils pouvaient faire 3 et elle ne leur reprochait rien. Tandis que si je faisais 4.5, c'était forcément que je n'avais pas travaillé et je me faisais incendier.
Au gymnase, tout est ressorti. Le mal-être, le harcèlement scolaire.. j'ai perdu pied. J'ai du refaire ma 2e année de gymnase.
Alors que je m'enfonçais dans la dépression et que je n'arrivais plus à suivre les cours, elle me menaçait. Elle menaçait de me retirer toute les activités que j'aimais, les seules choses qui me rattachaient à la vie. J'avais beaucoup d'idées suicidaires à l'époque.. J'ai dû survivre seule. Mon père a toujours été absent. Il ne savait que peu de ce que faisait ma mère, car elle s'énervait si on lui en parlait. Elle disait qu'on déformait la réalité pour qu'elle se fasse engueuler. J'en suis venue à douter de mes sens, à me croire folle.
Elle m'a dit des choses affreuses. Que je n'avais aucune volonté, que je n'arriverais jamais à rien, elle m'a traitée de pauvre fille, elle a dit que je bousillais ma vie
J'ai raté cette année de lycée, c'est vrai. Mais maintenant je suis à l'EPFL. Elle dit qu'elle est fière de moi, mais ça ne me fait rien. Mon estime de moi ne s'en est jamais remise. Les souvenirs sont toujours vifs, brûlants.
Je comptais les années avant de partir, depuis mes 13 ans.
Quand j'ai eu ma chambre d'étudiante, elle m'a accusé de ne plus l'aimer, m'a dit que je le regretterais quand elle serait morte. Elle me disait ça à chaque fois que je voulais partir en camp, quand j'étais petit. Je n'osais pas.
Maintenant encore, j'en souffre. Je la vois le moins possible. Elle a arrêté de faire du chantage affectif pour que je rentre tous les week end parce que je lui ai dit que si elle continuait, je ne reviendrais plus jamais.
Je m'éloigne d'elle, je la vois peu, sauf quand je me sens coupable.
Est-ce que tout ce qui est arrivé était normal ? Elle me faisait croire que oui, qu'elle était la meilleure mère du monde. Au point que l'idée de penser autrement me faisait peur.
Est-ce que c'était de la maltraitance ?
Ça fait plus de 3 ans que je ne vis plus avec elle et la blessure est toujours vive.
Est-ce que c'était normal ?
Comment je me débarrasse de cette souffrance ?
Comment je rebouche le puits sans fond de mon estime de moi ?
Réponse
La relation que tu as avec ta mère te fait vivre des choses compliquées et douloureuses. Tu questions donc sa normalité : est-ce une relation mère-fille normale ? Est-ce de la maltraitance ? Tu cherches aussi des pistes pour guérir la blessure d'estime de soi et la souffrance que tu ressens.
Les propos négatifs que tu rapportes ici, la pression d'excellence qui t'a été imposée, le chantage affectif exercé sur toi sont effectivement des comportements négatifs qui nous font penser à un comportement malsain de la part de ta mère. Cependant, il nous est difficile de te dire s'il s'agit de maltraitance sans plus d'éléments.
Concernant ton sentiment de culpabilité, nous pouvons te dire qu'il témoigne de la belle personne que tu es devenue : à nos yeux, elle est présente chez toi, car il y a un décalage entre ton comportement et tes valeurs, ce que tu crois être juste selon tes idéaux et tes règles. Nous t'encourageons donc à être douce avec toi-même et à te laisser le temps nécessaire pour guérir tes blessures. Petit à petit, ce sentiment disparaîtra et laissera de la place à d'autres sentiments qui te permettront de construire une autre relation avec ta mère.
Quand on vit ce que tu as vécu, il est compréhensible de se sentir fragilisée. Heureusement, à tous âges, il est possible de renforcer son estime de soi et développer une solide confiance. Cette solide confiance est malgré tout faite de hauts et de bas, en réalité, c'est plus un équilibre de confiance qu'une confiance absolue. Pour t'aider à booster ton estime de soi, tu trouveras des infos et conseils en annexe.
Guérir ce genre de blessures est un processus progressif. C'est petit à petit, pas à pas, qu'il te sera possible de combler le puits sans fond que tu ressens. Nous t'invitons donc à être bienveillante avec toi-même. Ne te juge pas plus sévèrement que tu ne jugerais une personne que tu aimes ou que tu admires.
Nous t'invitons à prendre conscience de toutes tes réussites (quand tu te sens bien, quand tu as un échange détendu avec une personne, quand tu poses tes limites, quand tu réussis une action, quand tu prends soin de toi...) et à te féliciter. Nous t'invitons aussi à privilégier les activités et les moments positifs qui te font du bien, par exemple sport, danse, lecture, sorties en nature, passer du temps avec tes amis/amies, yoga, chant, musique, etc.
En étant à l'écoute de tes limites et en prenant soin de toi, ta souffrance va s'apaiser. Néanmoins, il est parfois précieux et utile d'être soutenue et aidée par un·e professionnel·le de la santé. Si tu penses que cela pourrait t'aider, nous t'invitons à te renseigner sur les possibilités de soutien psychologique à l'EPFL. La plupart des hautes écoles et universités ont une consultation psychologique.
Parallèlement à la relation avec ta mère, il y a aussi ton vécu à l'école. Ton parcours scolaire est à la fois brillant (l'EPFL, ce n'est pas rien, bravo!!!) et douloureux. Vivre du harcèlement est une expérience relationnelle difficile qui peut effectivement fragiliser l'estime de soi et affecter les relations.
Ce vécu scolaire nous pousse encore une fois à t'encourager à trouver de l'aide auprès d'un·e professionnelle. Tu trouveras en annexe des infos sur les suivis psy.
Nous espérons que cette réponse t'aidera un peu et nous restons à ton écoute.
Bien à toi !
L'équipe ciao.ch
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